LES VOIES ROMAINES ANTIQUES

dernière maj : 7 / 10 / 2004

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BORNES   MILLIAIRES

TABLEAU   GENERAL

BIBLIOGRAPHIE

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  1 .  EXPANSION  et  STRATEGIE.

Bien que les voies romaines ne soient pas le sujet que je désire traiter (pour maîtriser un sujet, il faut savoir se limiter !), il est difficile de faire un exposé sur les bornes milliaires sans parler des voies auxquelles elles se rapportent.

Lyon

  Les Romains ont fait preuve de méthodologie et de technique dans tous les domaines; il en fut ainsi pour les voies de communication. Bien entendu, ils ont d'abord équipé leur pays d'origine; la ville de Rome communiquait avec le reste du monde méditerranéen par un réseau en étoile de 29 routes principales (d'où le fameux dicton: tous les chemins mènent à Rome). Les Romains ont équipé rapidement toutes les contrées qu'ils ont envahi, ceci dans des objectifs stratégiques qui firent leur supériorité pendant un millénaire :
 - ils devaient pouvoir se déplacer rapidement -toutes proportions gardées, à pied ou à cheval- au sein d'un empire d'une étendue inégalée: déplacement des armées, approvisionnement, commerce. Sans ce réseau efficace et durable, ils n'auraient pas pu se maintenir sur toutes les contrées conquises.
 - ces travaux considérables utiles à tous montraient leur supériorité technique aux peuples envahis,  qui pouvaient bénéficier de grands progrès dont ils n'étaient pas capables par eux-mêmes, amenant une "colonisation en douceur" efficace et durable; on parle de la "romanisation" des Gaules, et il n'y a pas eu de guerre véritable.

 - les technologies utilisées, aussi bien dans la topographie que dans la réalisation matérielle, ont rendu ces voies praticables en permanence -y compris les cols des Alpes-, ce qui évitait l'isolement des contrées.
  Les  routes principales ont d'abord relié les établissements importants pour la conquête (via publica, via militaris): camps militaires, passages difficiles par ponts et tunnels, zones de ressources naturelles (carrières, mines de fer et de plomb, bois et cultures). La stratégie est omniprésente. Le réseau s'est ensuite étoffé, avec des voies secondaires (via vicinalis), et des voies privées (via privata).

  Il faut cependant souligner que les Romains n'étaient pas les premiers occupants des Gaules; des peuplades régionales celtes et gauloises existaient depuis longtemps sur ces territoires, qui ne constituaient pas une véritable nation. Des voies de communication existaient donc, mais de façon embryonnaire et très disparate, chaque peuplade locale vivant souvent en autarcie, donc sans besoin réel de déplacement sur de longues distances. Leur maintenance était souvent négligée, et elles n'étaient pas praticables en permanence.

  Par le biais de leur expansion et des travaux réalisés, ce sont les Romains qui ont en fait réalisé l'unité de la plupart des pays du bassin méditerranéen. Les peuplades locales qui s'ignoraient ont commencé à se déplacer -c'était beaucoup plus facile- et ont appris à connaître leur continent. 

Alba

  Performances de déplacements notées dans des écrits de l'époque :
- CESAR, avec une escorte: de ROME à  ARLES  en  8 jours.
- CESAR, avec son armée : de ROME en Espagne  en  27 jours.
- un courrier à cheval:  70 km / jour (avec 3 ou 4 changements de cheval).

 Principales voies de ROME :                                          

Via APPIA

de Rome vers Capoue, puis vers le sud: Brindisi.

Via ALBANA

 

Via  AEMILIA

 

Via ARDEATINA

vers le sud de Rome

Via ASINARIA

 

Via AURELIA

de Rome vers le Nord-ouest, vers les Gaules : Arles.

Via CAMPANA

 

Via CASSIA

vers le nord de Rome: Orvietto, Florence.

Via CLAUDIA

 vers le  nord de  l'Italie

Via FLAMINIA

au nord de Rome vers la Côte Adriatique (Rimini)

Via LABICANA

vers l' est de  Rome.

Via  LATINA

de Rome à  Capoue, par le Latium.

Via LAURENTINA

de Rome,  vers le sud.

Via  POSTUMA

Italie du Nord

Via PRENESTINA

vers l' est de  Rome.

Via SALARDA

vers le  nord de  Rome.

Via TIBURTINA

au  nord-ouest de ROME  ( vers TIBUR = Tivoli )

Via TRIUMPHALIS

vers le Nord, rejoint la  Via CLAUDIA.

Via OSTIENSIS
Via PORTUENSIS

de Rome vers le port d' Ostie.

Alba

Principales voies des GAULES :

 Plusieurs dizaines de milliers de kilomètres ont été réalisés dans les différentes contrées envahies (environ 15 000 kilomètres de voies principales en France). Il faut à ce point évoquer le territoire occupé par la civilisation romaine à son apogée: c'est l'ensemble du pourtour Méditerranéen, depuis l'Espagne jusqu'au Maroc actuel, avec, bien sur, toutes les iles de Méditerranée: Espagne et Portugal, France, Italie, ex-Yougoslavie, Grèce, Turquie, Proche-Orient, Egypte, et toute l'Afrique du Nord. Au nord, les frontières étaient moins déterminées et fluctuantes: Angleterre, Belgique et Pays-Bas, Allemagne de l'ouest et du sud, et tout l'arc Alpin.  (nos Romains n'étaient pas très "nordiques").

  Les territoires romains intéressant la France actuelle étaient, très schématiquement :
- la Gaule Narbonnaise -Narbonensis SPQR- (depuis Genève, la vallée du Rhône au sud de Lyon, les Alpes, la Provence, le Languedoc et le Roussillon).
- la Gaule Aquitaine -Aquitania Caesari- (tout le Sud-ouest et le Centre de la France, depuis les Pyrénées, jusqu'à la Loire.
- la Gaule Lyonnaise -Lugdunensis Caesari- (l'ouest et le nord de la Loire, incluant Lutèce et la Bretagne, la frontière Nord étant au nord de la Seine, la frontière Est allant de  Dieppe à  Dijon; Lyon, la capitale était pour le moins excentrée !).
- la Gaule Belgique -Belgica Caesari- (les départements du Nord de la Seine, la Belgique, la Lorraine et l' Alsace).
- la Germanie inférieure -Germania Inferior Caesari- (les Pays-Bas, l'est de la Belgique, et une partie ouest de l' Allemagne).
- la Germanie supérieure -Germania Superior- (Allemagne du sud-ouest, Franche Comté, Suisse).
- nota: L' Angleterre s'appelait la  Bretagne -Brittania Caesaris-.

  Voies principales répertoriées en France :

Via JULIA AUGUSTA
( Via  AURELIA )

 continuation de la Via AURELIA italienne, par la côte méditerranéenne :
Vintimille - La Turbie - Nice (Cimiez) - Antibes - Fréjus - Le Muy - Cabasse - Tourves - Aix en Provence - Salon - St Rémy - Tarascon
embranchement à  Aix vers : Marseille - Vitrolles - Fos - Arles.

Via DOMITIA

 Mont Genèvre - Briançon - Embrun - Chorges - Gap - Sisteron - Apt - Cavaillon - Tarascon - Beaucaire - Nîmes - Béziers - Narbonne - Port Vendres / Le Perthus -  l'Espagne

Voie  AQUITAINE

 Narbonne - Lézignan - Carcassonne - Toulouse - Lectoure - Agen - Buzet - Cérons - Bordeaux
embranchement à Toulouse par: l'Isle-Jourdain - Auch - Eauze - Sos - Bazas - Cérons

 Via AGRIPPA

 Arles - Avignon - Orange - Montélimar - Valence - Vienne - Lyon  ( rive gauche du Rhône ) - Chalon sur Saône - Autun - Avallon - Auxerre - Sens - Meaux - Senlis - Beauvais - Amiens - Boulogne sur Mer

Voie SANTONNE

 Lyon - Feurs - Clermont-Ferrand - Limoges
autre trajet : Lyon - Roanne - Vichy - Clermont-Ferrand - Ahun - Limoges

Chemin de CESAR

Lyon - Clermont-Ferrand - Saintes

Voie des HELVIENS 

 Vienne ( rive droite du Rhône )- Ampuis - Andance - Arras - Tournon -Le Teil - Alba - Bourg St Andéol - Bagnols - Remoulins - Nimes
autre voie : Le Teil - Alba - Aubenas - Le Puy - Uzès - Nimes

Voies du RHIN

 Lyon - Anse - Mâcon - Tournus - Chalon sur Saône - Citeaux - Langres - Dompierre - Toul - Metz - Dalheim - Treves -Neumagen - Bingen - Mayence
autre trajet : Chalon sur Saône - Dole - Besançon - Montbéliard - Mandeure - Kembs
autre trajet : Lyon - Bourg en Bresse - Coligny - Lons le Saunier - Besançon -

Voies des ALPES

1) Lyon - Bourgoin - Aoste - Yenne - Seyssel - Genève - Nyon - Vevey - Martigny - Grand St Bernard  ( + Genève - Annemasse - Massongex - Martigny )
2) Vienne - Tourdan - Izeaux - Moirans - Grenoble - Vizille - Briançon - Mont Genèvre
3) Vienne - Bourgoin - Aoste - Moutiers - Aime - Bourg St Maurice - Séez - Petit St Bernard
4) Valence - Aouste - Saillans - Die - Luc en Diois - Veyne - Gap - Chorges - Embrun - Briançon - Mont Genèvre
5) Arles - St Rémy de Provence - Cavaillon - Apt - Céreste - Sisteron - Gap - Chorges - Embrun - Briançon

Via  VENTIANA

Nice/Cimiez - Vence - Courségoule - Gréolières - Andon - Le Logis du Pin - Castellane

Voie BOLENE

Lyon - Feurs - Saint-Paulien - Javols - Rodez - Cahors - Agen - Bordeaux

Grands carrefours
(nombreuses voies)

Arles - Tarascon - Nimes - Narbonne - Vienne - Lyon - Feurs - Clermont Ferrand - Ahun - Javols - Rodez - Toulouse - Lescar - Dax - Cahors - Périgueux - Limoges - Saintes - Poitiers - Tours - Bourges - Angers - Nantes - Vannes - Rennes - Carhaix - Le Mans - Avranches -Orléans - Rouen - Beauvais - Dieppe - Amiens - Senlis - Reims - Bavay - Metz - Trèves -

  Vienne

 2 .  TECHNOLOGIE.

  Les Romains ont montré tout leur savoir-faire en ce domaine:

-  utilisation des voies naturelles de communication (vallées, cluses), mais en évitant les causes de coupure par inondations (passage en surélévation) ou par intempéries (utilisation du versant sud).
-  évitement des zones marécageuses, ou comportant des sols friables et peu stables (éventuellement, réalisation de routes "en dur" sur pilotis et poutres en bois).
-  tracé en ligne droite partout où cela était possible (quitte à "avaler" des pentes importantes).
- réalisation de tunnels et de ponts, uniquement pour éviter des détours trop importants, ou pour desservir des centres stratégiques ou de ressources. (réalisation, également, de nombreux gués, mais qui n'étaient pas toujours praticables)
 
            
                                                      Pont d'AMBRUSSUM

  La réalisation des routes elles-mêmes a toujours été très soignée, de façon à ce que ces routes soient durables et utilisables en permanence.
 La route comportait un soubassement important (1 m. au minimum), en partant du dessous:

- une couche de drainage et de stabilisation, faite de gros blocs de pierre, installée après décapage des sols meubles superficiels.
- une (ou plusieurs) couche(s) de matériau meuble (sable, gravier, cailloux concassés, en alternance).
- un revêtement, fait en général de gravier, ou de gravier enrobé de béton, ou de dalles épaisses (ces derniers cas surtout dans les traversées d'agglomérations).
  Des fossés latéraux étaient souvent réalisés, permettant l'écoulement de l'eau issue de la route dont le revêtement était en général bombé, ou pour éviter l'envahissement de la route par l'eau des terrains alentour.
  La route classique avait une largeur utilisable de  4,5 à  7 m. (pour permettre le croisement de 2 voitures), mais son emprise au sol pouvait atteindre 7 à 10 m., avec des fossés et des murs de soutènement.


 

  Les Romains ont, les premiers, aménagé des chemins sur le passage des cols des Alpes, praticables en -presque- toutes saisons: Petit St Bernard, Mont Cenis, Mont Genèvre.

  Les portions de route que l'on peut observer de nos jours sont souvent caractérisées par plusieurs faits:
- les routes modernes, développées à partir du 19° siècle, et surtout au 20° siècle (l'automobile) ont souvent utilisé le tracé des anciennes voies romaines -surtout sur les parcours difficiles-, mais avec une emprise au sol beaucoup plus importante, d'où un effacement des voies romaines à 80 %.
- on retrouve des voies romaines : sur des terrains presque plats sans difficultés (parce que dans ce cas, le tracé importe peu), sur des pentes importantes (parce que nos engins modernes s'en accomodent assez mal), ou lorsque les moyens modernes ont permis de s'affranchir des pentes naturelles (tunnels importants, ponts et viaducs); dans ce cas, le tracé des voies romaines a été abandonné, et les voies sont conservées.
- bien entendu, on retrouve peu de voies romaines dans les zones urbanisées depuis longtemps, ou alors en fouilles souterraines, lorsque le terrain a subi un comblement (naturel ou artificiel).
- par contre, il faut noter que les agglomérations importantes du temps de la civilisation romaine en Gaule ne sont pas nécessairement des centres importants de nos jours (les nécessités n'étaient pas les mêmes); certaines n'ont pas survécu au départ des Romains ou aux invasions qui suivirent, ce qui nous vaut de belles découvertes dans des contrées insoupçonnées.

 3 .  UTILISATION.

  Les routes de l'époque servaient au passage des piétons, des animaux, et des chars à traction animale (boeufs ou chevaux). Il est à noter que les Romains étaient d'excellents constructeurs, mais manquaient d' inventivité dans le domaine des chars. Ils ont surtout utilisé des chars à un seul essieu (2 roues); pour des charges plus importantes, des chars à 2 essieux étaient utilisés, mais ces essieux étaient fixes (pas de guidage; c'est une opinion personnelle, les diverses reconstitutions proposées offrant un frottement bois sur bois ne pourraient pas tenir plus de 50 km.). De ce fait, certains archéologues ont pensé que les ornières que l'on peut constater sur des portions de voies bien conservées n'étaient pas nécessairement dues à l'usure, mais avaient été volontairement créées pour servir au guidage des roues  (il semble que ce fait soit plus avéré dans certaines carrières antiques, où les charges étaient importantes, et les pentes parfois sévères).
  
     AMBRUSSUM

 A noter que l'écartement des ornières, sur voie classique, est de 1,44 m. (soit 5 pieds) - j'ai personnellement mesuré à AMBRUSSUM, suite à la remarque d'un "ancien" de la SNCF (l'écartement des rails de chemin de fer en France est de 1,435 m.)
 
 De plus, la plupart des voitures n'avaient pas de freins dynamiques (uniquement des dispositifs d'arrêt et de blocage) ; on n'a pas de statistiques sur les accidents de circulation, mais il semble que sur les pentes importantes, des bornes étaient disposées le long de la route, permettant un ancrage d'assurance en descente, et éventuellement un système de touage en montée.

  Pour se diriger sur ces routes, il y avait:
-  des poteaux indicateurs, sans doute en bois. (c'est une hypothèse, aucun vestige)
- des bornes dites "milliaires", ou colonnes itinéraires, monolithes indiquant les distances et parfois la destination (c'est le sujet traité par ailleurs sur ce site).

    Ceci n'est pas une pancarte romaine !

  Il a existé également des cartes sous plusieurs formes:
- la table de PEUTINGER ( ou Table Théodosienne ): il s'agit d'un document représentant la plupart des itinéraires de l'empire romain, avec l'indication des cités, des stations, et même des auberges, avec les distances entre points remarquables (cités, carrefours, fleuves).
C'est un document (6,80 X 0,34 m.) dont l'origine est incertaine; on en connait des copies faites au Moyen-Age (12° - 13° siècle), parfois avec de nombreuses erreurs. (copies de copies de copies ...)


- l' Itinéraire d'ANTONIN : d'origine également incertaine, il comporte 256 itinéraires qui ressemblent à des compte-rendus de voyages. Mais ce guide est partiel, non méthodique, et comporte également de nombreuses erreurs.
- des carnets de voyage de pélérinage des 3° et 4° siècles. (dont Bordeaux - Jérusalem)
- les gobelets de  VICARELLO : 4 gobelets en forme de colonnes comportent des listes de cités avec les distances qui les séparent.

  Par la suite, à partir des 12° - 14° siècle, l'écriture s'est développée -les moines copistes- et l'on a beaucoup de documents relatant des voyages, des pélérinages, ce qui aide à définir le réseau des voies romaines, qui n'avait sans doute que peu bougé en mille ans.

  Les haltes :

- mutatio = relais, environ tous les  10 km.
- mansio = gîte d'étape, entre  40 et 50 km.
 L'emplacement de ces haltes devint souvent le site des agglomérations actuelles.

  Quelques véhicules utilisés par les Romains:

- cisium = voiture légère à deux roues, attelée d'un seul cheval.
- rheda ( ou raeda ) = voiture rapide à quatre roues.
- carpentum = voiture bâchée, à quatre roues.
- petoritum = voiture de voyage, suspendue, bâchée, tirée par quatre chevaux attelés de front.
- carruca = voiture, carrosse.
- carrus = chariot pour le transport des marchandises, avec un attelage de boeufs.
- lectica = litière, transportée par deux ou quatre esclaves.

( Archéodrome de Beaune )
 

 

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